Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/221

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du peuple pourrait-elle n’être pas cruelle ? Les supplices de tout genre… nous ont fait de si mauvaises mœurs ! » Il va çà et là cherchant à obtenir quelques écus de ses débiteurs et il est partout éconduit comme s’il demandait l’aumône. Il sent que le métier de feudiste est perdu comment le remplacer ? Il se fera publiciste. Il écrit contre e Mirabeau (à propos de la fameuse phrase qu’il ne comprend pas : il ne peut y avoir en France que des voleurs, des mendiants et des salariés)[1] une brochure anonyme injurieuse dont il espère tirer quelques écus, mais qui ne se vend pas. Alors il va trouver Mirabeau en solliciteur pour obtenir qu’il s’intéresse au fameux Cadastre. Il se fait franc-maçon malgré ses répugnances, parce que, à ce moment, tout révolutionnaire de marque doit l’être. Il commence à nouer des relations utiles dans le parti du mouvement qui se constitue. « Je suis à peu près assuré d’un emploi de 800 francs, qui ne m’occupera pas plus de deux jours par semaine et ne m’empêchera pas de faire toute autre chose. Ce serait pour rester à Paris. Du secret sur cela ! » (16 août.) Il semble, d’après la lettre du 4 octobre, que cet emploi ait été une correspondance pour Londres. Mais pendant ce temps sa femme et ses enfants sont dans la détresse ; il paraît avoir souffert de la séparation et s’être décidé enfin à revenir en Picardie, d’abord pour retrouver les siens, ensuite parce que son bureau fonctionnait encore tant bien que mal et qu’il avait comme commissaire à terriers quelques intérêts à défendre. Audiffred restait à Paris pour s’occuper du graphomètre et du Cadastre : bientôt il n’en sera plus question, pas plus d’ailleurs que de la correspondance de Londres : la tête de Babeuf est comme un kaléidoscope où tout change d’aspect d’instant en instant.

  1. Voyez plus haut, page 125.