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du territoire et des hommes qui l’occupent. » L’immolation des gros propriétaires était nécessaire pour rendre le sol disponible et décider les autres à abandonner leur superflu. Et même, en dehors des gros propriétaires, on eût cru opportun d’opérer quelques éclaircies dans la masse trop dense de la population. À ce plan se seraient rattachées « les proscriptions, les guillotinades, les foudroyades, les noyades, » des proconsuls envoyés en mission, et même la guerre de Vendée, car la Vendée devait servir, après l’extermination de ses habitants, à des distributions de terres. Barbaries inutiles, pense Babeuf ; d’abord « je ne crois pas avec Robespierre et ses adjoints que les productions du sol français aient jamais été en proportion inférieure aux besoins de tous ses habitants ; » ensuite « je crois que dans le cas même où il serait bien reconnu que les moyens en subsistances d’une Nation ne sont pas en mesure suffisante pour remplir l’appétit de tous ses membres, les simples lois de la nature commandent, au lieu de la dépopulation, la privation partielle de chacun de ses membres pour satisfaire par égalité, dans la proportion usuelle, les besoins de tous » (c’est le carême civique de 1794). Enfin les moyens violents ne sont pas indispensables pour déterminer les riches à des sacrifices ; la persuasion, la claire vue de leurs véritables intérêts y suffira et, quant à la Bretagne, ses habitants sont des hommes agrestes, simples, bons, humains, rapprochés de la nature, et le simple exposé des principes républicains eût désillé les yeux de « ces peuplades égarées. » Babeuf réprouve donc en ce moment ce prétendu[1] plan de dépo-

  1. Nous ne connaissons aucun fait qui autorise les allégations de Babeuf sur le système de dépopulation. Un nommé Guffroy, député du Pas-de-Calais à la Convention, ami, puis adversaire de Joseph Le Bon et qui, n’ayant pu obtenir de Robespierre l’abandon de celui-ci, devint l’un des Thermidoriens les plus ardents, a écrit en 1793, dans son journal Rougyff (anagramme de Guffroy)