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quand le gouvernement, inquiet des menées monarchiques, après les avoir ramenés à Paris, à la prison du Plessis (4 fructidor an III)[1], les comprend dans l’amnistie du 4 brumaire an IV — 26 octobre 1795. Le même jour la Convention se séparait.

Les mêmes circonstances générales et le même régime avaient produit les mêmes effets sur les membres, agents ou amis du gouvernement révolutionnaire, enfermés en grand nombre dans les prisons de Paris depuis les journées de germinal et de prairial et auparavant. La défaite du parti Jacobin avait d’abord consterné les prisonniers, puis ils avaient en quelque sorte allégé leur infortune personnelle en la considérant comme l’une des vicissitudes passagères d’une cause immortelle, la cause de la République démocratique ou de l’Egalité. C’est le propre de la vie recluse d’exalter la foi et de favoriser l’illusion ; plusieurs étaient très sincères dans leur douleur civique et dans leurs espérances. Buonarroti a décrit heureusement en son style noble ce crépuscule de la Révolution. « Un spectacle aussi touchant que nouveau embellit alors l’intérieur de ces prisons. Ceux que l’aristocratie y avait plongés, vivaient frugalement dans la plus intime fraternité, s’honoraient de leurs fers et de-leur pauvreté, suite de leur dévouement patriotique ; se livraient au travail et à l’étude et ne s’entretenaient que des maux de la Patrie et des moyens de les faire cesser. Les chants civiques dont ils faisaient tous à la fois retentir les airs, rassemblaient tous les soirs autour de ces tristes séjours, une foule de citoyens qu’y attirait la curiosité ou l’analogie de

  1. Babeuf dit dans sa Défense (p. 69) que sa femme et ses enfants souffrirent pendant son emprisonnement à Arras tous les tourments de la faim. Sa fille, qui avait sept ans, mourut à la suite de ces privations. La ration de pain distribuée à chacun n’atteignait pas alors une livre.