Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


IV

LA CONJURATION


Mais dans la triple tâche qui, pendant la première moitié de l’an IV (de septembre 1795 à mai 1796), va s’imposerau parti de l’action : propagande au dehors, organisation intérieure, établissement d’une doctrine et d’un programme, Babeuf par son talent de journaliste, sa puissance de travail et son énergie, enfin par ses connaissances bien que superficielles et ses visées philosophiques, prendra rapidement le premier rôle et méritera de donner son nom à cette dernière et impuissante prise d’armes de la minorité révolutionnaire, qui sans doute aurait eu lieu sans lui.

Les Egaux ne se dissimulaient pas leur petit nombre et la nécessité où ils étaient avant tout de sortir de leur isolement. Ils voyaient le découragement des patriotes, la modération résolue de la grande masse des républicains, l’indifférence de la population ouvrière[1]. Même aux plus impatients d’action, un effort énergique paraissait indis-

  1. Buonarroti constate lui-même à plusieurs reprises cette las situde dont les rapports de police témoignent presque chaque jour. « Il fut dans la Révolution un temps où l’espoir fondé d’une prochaine égalité attachait de cœur au nouvel ordre public la masse de la population ; déçue dans son attente, elle regretta, après le 9 thermidor, les sacrifices qu’elle s’était imposés, et regardant comme un leurre le bonheur qu’on lui avait promis, elle commença à prendre en aversion la Révolution et ses défenseurs. Cette disposition des esprits fournitaux royalistes l’occasion de décréditer le système républicain, et aux aristocrates (les riches) celle de répandre l’horreur des innovations et l’indifférence politique.  » T. 1, p. 117.