Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

principes premiers de chacun d’eux. Nous ne le pensons plus. Nous avons compris en effet que si la médecine paraissait tenir de la science son but, le maintien ou le rétablissement de la santé, l’économie politique le sien, l’accroissement de la richesse, et la pédagogie le sien, la formation des jeunes à la vie adulte, non seulement ces indications générales ne servent de rien, mais encore elles ne sont rien moins que certaines et théoriquement nécessaires. La médecine peut être et a été en fait employée à des fins très différentes, soit à l’enrichissement du médecin, soit à des avortements, soit à des suicides, soit à des exécutions, soit à des empoisonnements. Il y a des économistes distingués qui se demandent s’il ne vaudrait pas mieux limiter la production et revenir au travail isolé où l’ouvrier est en même temps propriétaire de son outillage, que de continuer à chercher avant tout la multiplication de la richesse par le perfectionnement de la grande industrie ; en tout cas vous conviendrez que l’économie politique des fondateurs d’ordres mendiants, de saint François d’Assise par exemple, est tout autre que celle d’Adam Smith : les principes sont opposés. L’éducation a pu se proposer pour but d’entraver le développement, ou de certaines facultés, ou de certaines classes d’hommes. Tout autre est la pédagogie selon qu’elle part de la conception qui fait de la vie la préparation à la mort, ou de cette autre e que la vie est son but à elle-même. Si la science est juge de la querelle, pourquoi cette querelle dure-t-elle encore ? Généralisons. La doctrine de l’action dépend tout entière de postulats, qui impriment aux différentes pratiques, selon les besoins normaux ou morbides des sociétés, des orientations fort diverses. Entre l’optimisme etle pessimisme, le débat est éternel. L’art suprême de la conduite est pour l’un l’art de vivre, pour l’autre l’art de mourir. Voilà une différence ! Et ne m’objectez pas que si les prin-