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l’existence de leur gouvernement occulte[1], qui devait selon eux intimider leurs adversaires. Leurs précautions ne tendaient qu’à cacher les noms de ses membres, comme si Babeuf n’était pas connu ! Ce que celui-ci préparait à ses risques et périls, c’était donc plutôt une révolution populaire, la dernière, qu’une véritable conspiration. Mais en s’adressant au peuple suivant la formule consacrée, les conjurés risquaient de perdre la direction du mouvement. Pendant les derniers jours on les voit surtout préoccupés d’amortir les ardeurs qu’ils avaient excitées et d’empêcher les explosions intempestives. Bientôt ils ne furent plus maîtres de leurs troupes : tout Paris, dit Chrétien, connaissait le programme de la grande journée des rassemblements quotidiens se formèrent sur les quais et sur les ponts, et de toutes parts on leur demanda avec impatience de donner le signal[2]. « Le sang des républicains bout dans leurs veines, » écrivait Monroy, agent, du

  1. « Je leur oppose (à nos ennemis) des batteries en plein air. Des oisons, des sots de la faction des prudents vont peut-être dire encore qu’il eût mieux valu se couvrir sous quelques ombres. Je dis qu’il est absolument nécessaire et qu’il est temps que la masse de l’armée, sans-culotte voie le camp et qu’encore une fois son existence ne peut plus être cachée à l’ennemi. Ce n’est plus par surprise que nous voulons le vaincre ; c’est d’une manière plus digne du peuple c’est à force ouverte. » Gracchus Babeuf, Un mot pressant aux patriotes ; Buonarroti, t. II, p. 240. Voir encore : Première instruction du Directoire secret, même volume, p. 117. Les douze agents principaux ne devront pas connaître les membres du directoire, « on a senti que la partie la plus importante du secret n’était pas autant l’existence d’un comité insurrectionnel que la connaissance des personnages qui le composent. En effet, que la tyrannie apprenne qu’un tel comité existe, dès que ses membres sont inconnus, il n’en peut résulter aucun mal pour eux ; il n’en résultera pas non plus pour la Patrie, si ce n’est d’avertir le despotisme de se tenir sur ses gardes ; et il y a longtemps qu’il s’y tient. » Voir enfin t. I, p. 152.
  2. Buonarroti, t. I, p. 152. Le dernier numéro de l’Eclaireur est très curieux à lire de ce point de vue. Babeuf paraît avoir craint que les monarchistes confisquent le mouvement en provoquant une explosion tumultueuse.