Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/302

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Les discussions entre les partis, encore plus nombreux et plus enchevêtrés que nous n’avons pu le faire voir, dépassaient l’horizon intellectuel de la grande masse des soldats, très ignorants alors. Ils étaient étrangers aux dissensions politiques. Il y avait des cas individuels d’indiscipline dans cette armée de l’intérieur, et quelques hommes étaient accessibles à la propagande socialiste. Mais le Directoire veillait à ce que les régiments ne restassent pas trop longtemps exposés à l’influence dissolvante du milieu parisien de 1796. Et en général le soldat était fort attaché à ses officiers qui vivaient de sa vie, mangeaient à la même gamelle et étaient comme lui républicains. Il eût donc fallu disposer des chefs et leur persuader qu’ils serviraient encore la République, pour les détourner de leur obéissance au gouvernement. Choyés par lui, qui savait que sa principale force résidait en eux (Nous avons nos soldats ! aurait-il dit), chefs et soldats n’auraient pas hésité à balayer une insurrection. Le peuple pouvait se rassembler confusément sur les quais, poussé par la misère et les prédications enflammées des babouvistes ; il n’avait pas d’armes, était complètement dépourvu de l’organisation qui avait rendu les sections redoutables, et n’aurait pas tenu deux minutes devant une charge de cavalerie. On ne devait pas attendre davantage des 4,000 Jacobins qu’on disait arrivés récemment des départements.

À des troupes régulières qui veulent se servir de leurs armes, on ne peut opposer que d’autres troupes régulières. La légion de police, licenciée pour son insubordination le 10 floréal, et dont les soldats avaient été recueillis par les Jacobins, était la seule force qu’ils pussent vraisemblablement mettre en ligne contre l’armée de Paris. Bien que le quart à peine des bataillons licenciés fussent, selon les rapports de police, disposés à marcher, il y avait là peut-être de quoi produire un court combat, mais l’issue n’en