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tandis que le droit en soi ne peut être altéré. « La loi écrite ne doit jamais être que la conséquence du Code éternel de la nature[1]. » Babeuf n’a jamais montré qu’une déférence médiocre pour « la manie de la pluralité des voix. »

On conçoit qu’envisagés à ce point de vue, c’est-à-dire comme êtres vivants exigeant de la société le maximum de jouissance avec le minimum de douleur, les hommes soient rigoureusement égaux. Nous avons tous « mêmes organes et mêmes besoins. » « L’égalité naturelle, dit Buonarroti[2], est cette uniformité de besoins et de sentiments qui naissent avec nous, ou se développent par le premier usage que nous faisons de nos sens et de nos organes. Le besoin de se nourrir et celui de se reproduire ; l’amour de soi, la pitié ; l’aptitude à sentir, à penser, à vouloir, à communiquer ses idées et comprendre celles de ses semblables, et à conformer ses actions à la règle ; la haine de la contrainte et l’amour de la liberté, existent, à peu près au même degré, chez tous les hommes sains et bien constitués. Telle est la loi de nature d’où émanent, pour tous les hommes, les mêmes droits naturels[3]. » Tel est le fondement du premier des droits de l’homme, l’égalité. Les conventions sociales, qui n’ont pour objet que le

  1. Défense, p. 134.
  2. T. I, p. 11. Cette note renferme une intéressante discussion sur le principe de l’Egalité.
  3. Buonarroti ajoute : « Aux yeux de quiconque se reconnaît composé de deux substances de nature différente, une nouvelle raison en faveur de l’égalité naturelle se tire de la spiritualité du principe pensant ; ce principe, qui constitue à lui seul tout le moi humain, étant indivisible et pur, et dérivant toujours de la même source, est nécessairement égal dans tous les individus de notre espèce. » — Babeuf n’invoque nulle part des arguments de cette sorte. Cependant le scrupule historique de Buonarroti paraît tel que s’il y avait eu opposition à ses vues, sur ce point, au sein du comité, nous croyons qu’il l’eût dit. Sur ces scrupules, voir pages 206, 216,. 229, 261 et 265 du 1er volume.