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que les sociétés, résultats des besoins, des passions et de l’ignorance de nos pères, doivent toutes les tyrannies et tous les maux dont nous sommes les victimes[1]. » Ce qu’il faut avant tout, c’est mettre le citoyen à l’abri des coups du sort qui peut l’atteindre dans le régime actuel de tant de façons, soit qu’il se ruine par défaut d’habileté dans sa gestion, soit qu’il soit frappé par les intempéries qui détruisent ses récoltes, soit simplement qu’il naisse dans une famille pauvre ou trop nombreuse. « Il faut parvenir à enchaîner le sort, à rendre celui de chaque coassocié indépendant des chances et des circonstances heureuses ou malheureuses ; à assurer à chacun, à sa postérité telle nombreuse qu’elle soit (sic) la suffisance, mais rien que la suffisance, et à fermer à tous toutes les voies possibles pour obtenir jamais au delà de la quotepart individuelle dans les produits de la nature et du travail[2]. Le seul moyen d’arriver là est d’établir l’administration commune ; supprimer la propriété particulière, attacher chaque homme au talent, à l’industrie qu’il connaît l’obliger à en déposer le fruit en nature au magasin commun, établir une simple administration des subsistances, qui, tenant registre de tous les individus et de toutes les choses, fera répartir ces dernières dans la plus scrupuleuse égalité et les fera déposer dans le domicile de chaque citoyen. — Ce gouvernement, démontré praticable par l’expérience, puisqu’il est celui appliqué aux 1,200,000 hommes de nos douze armées (ce qui est possible en petit l’est en grand), ce gouvernement est le seul dont il puisse résulter un bonheur universel, inaltérable, sans mélange :

  1. Buonarroti, Réponse de Babeu au citoyen M. V., t. II, pages 215-216.
  2. Défense, p. 41, Babeuf écrit cote-part, comme il dit terroir pour territoire, compromise pour compromission, paragraphe pour paraphe, etc. — Ces passages sont extraits par lui du numéro 35 du Tribun du Peuple.