Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/332

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terres serait faite au peuple au lendemain de l’insurrection victorieuse, promesse contraire à tous leurs principes et qu’ils étaient décidés à éluder. Mais les réflexions de Babeuf et les expériences partielles tentées par la Convention sous ses yeux lui avaient appris que la possession du morceau de terre qu’on pourrait donner à chaque citoyen ne le délivrerait en aucune façon des soucis d’une vie précaire, sans lendemain assuré. Ce sont, comme nous l’avons vu, les revenus de la culture que lui et Buonarroti, dans leurs sincères et longues discussions, furent amenés à mettre en commun pour « enchaîner le sort. » Le droit à l’assistance par les fruits de la terre commune devait remplacer la propriété matérielle du sol[1].

Mais alors il fallait que l’Etat se chargeât d’organiser la gestion agricole, de pourvoir à l’administration non seulement des revenus, mais du travail qui les produit. De là les conspirateurs philosophes passèrent naturellement à l’idée d’une administration du travail en général, dont la Convention avait dû, d’ailleurs, ébaucher quelques spécimens sous la forme d’ateliers nationaux pour la fabrication des armes, de la poudre et des effets militaires, et d’un système administratif de contrôle, de réquisitions, de transports publics et de surveillance des marchés, appliqué aux fruits de la propriété rurale. Le communisme agraire s’achemine par là insensiblement vers le collectivisme industriel.

Là est la seconde nouveauté du système, étroitement liée à la première. Le gouvernement qui pourrait embrasser toute l’industrie agricole dans une vaste administration, pourrait également y comprendre les autres

  1. Buonarroti, t. I, 1,208 : « Dans cette forme sociale, les richesses particulières disparaissent et le droit de propriété est remplacé par celui de chaque individu à une existence aussi heureuse que celle de tous les autres membres du corps social. »