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l’approvisionnement actuel et pour pourvoir aux besoins imprévus de l’avenir[1]. »

L’administration qui concentre et répartit les produits doit nécessairement présider à leur transport. Cette fonction sera confiée successivement à tous les citoyens pour qu’ils puissent, en voyageant, mieux connaître et mieux aimer leur pays. Les voies de communication seront multipliées et perfectionnées. Le télégraphe aérien (il était récemment inventé) renseignera instantanément l’administration sur les accidents et les désastres locaux, et lui permettra d’y porter remède. Il lui suffira d’ajouter une demi-heure à la journée de tous les travailleurs pour trouver de quoi indemniser les populations qui auront souffert de la grêle, de la gelée ou de l’inondation.

Ainsi nul ne souffrira de la suppression de la propriété. Bornés à ce qu’ils recevront de la « tradition réelle » des magistrats, mais assurés de le recevoir toujours, les citoyens non seulement ne manqueront de rien, mais n’auront plus de souci sur le lendemain. Aucun obstacle n’arrêtera plus la multiplication de l’espèce. Et la population, qui est, selon Rousseau, le critérium de la prospérité des Etats, croîtra abondamment dans la joie et la fraternité. La France sera plus heureuse et plus grande que la cité de Lycurgue, car elle aura les mêmes institutions dictées par la nature, sans acheter le bonheur des uns de l’esclavage des autres[2].

Les fonctions économiques dont nous venons d’esquisser le tableau sont nécessaires à l’existence de la communauté et exigibles par la loi ; elles ont ce caractère de varier avec les vocations, en sorte que chaque citoyen est investi d’une fonction différente. Celles dont nous avons à parler

  1. Buonarroti, t. I, p. 243. Saint-Simon et Fourier ont émis quelques années après des idées voisines de celles-ci.
  2. Buonarroti, t. I, p. 220.