Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/367

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ambitions et préservés de tout dérèglement. Toutes les institutions eussent tendu à rendre leur pouvoir irrésistible tant qu’il se serait borné à l’exécution des lois, et à le paralyser dès qu’il se serait écarté de cet objet. Ils eussent formé une vaste machine où « l’impulsion donnée par les premiers dépositaires des lois, se serait propagée rapidement et uniformément jusqu’aux extrémités de la République, » mais ils auraient été enveloppés par une surveillance et un contrôle incessants et tenus en suspicion comme des prévenus.

Sylvain Maréchal avait dit dans son manifeste : « Disparaissez enfin révoltantes distinctions de riches et de pauvres, de grands et de petits, de maîtres et de valets, de gouvernants et de gouvernés ! » Ces derniers mots n’avaient pas moins choqué Babeuf que l’anathème jeté aux arts. À la veille de s’emparer lui-même du pouvoir, il avait oublié soudain ses proclamations anarchiques. Une autorité chargée d’assurer le bonheur commun ne saurait être excessive : on a vu que le directoire secret se réservait de tenir en tutelle la nouvelle convention aussi longtemps qu’il le jugerait à propos. Mais cette autorité absolue eût été contrebalancée par la menace permanente de l’insurrection et la dénonciation toujours s prête des Tribuns.

En effet, « pour le comité insurrecteur, le bonheur et la liberté dépendaient bien plus du maintien de l’égalité et de l’attachement des citoyens aux institutions qui l’établissent que de la distribution des pouvoirs publics. Il y avait dans leur république une institution de l’Etat et une constitution de l’autorité, et il est dans l’une et dans l’autre des points fondamentaux que le peuple lui-même ne peut ni violer ni modifier, parce qu’on ne saurait y toucher sans dissoudre à l’instant la société (c’est-à-dire sans rompre le pacte social) ; tels sont dans la première