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être espérait-il encore échapper au jugement on croyait pouvoir gagner les soldats et les gardiens, ou faire brèche aux murs de la prison. Dès avant la fin de l’instruction, ces deux moyens furent tentés en effet et échouèrent. L’essai d’évasion par un trou pratiqué dans le mur fut bien près de réussir[1] ; mais les fugitifs eussent été sans doute vite repris, car « des troupes de toute arme gardaient avec une grande sévérité les approches de la prison et les avenues de la ville, dont une loi du moment interdisait l’accès à dix lieues à la ronde. » Le procès devait se poursuivre jusqu’au bout, sous les yeux de Cochon, qui croyait, lui aussi, servir la République, qui ne manquait pas non plus de courage et que ces injures ne paraissent pas avoir beaucoup ému[2].

L’instruction, extrêmement laborieuse, comme on le pense, occupa toute la fin de 1796 et le début de 1797. Le procès s’ouvrit le 2 ventôse an V (20 février 1797). Selon les habitudes de l’époque, un cortège imposant, avec de grands déploiements de troupes, suivit la Haute cour quand elle se rendit pour la première fois à la salle de ses séances. Les jurés étaient au nombre de seize, plus quatre adjoints et quatre suppléants. Il suffisait que quatre d’entre eux se prononçassent en faveur des accusés pour que l’acquittement fût assuré. Quels étaient les antécédents politiques de ces vingt-quatre élus des assemblées départementales ? La conjuration avait dressé des listes de bons et de méchants pour toute la France et

  1. Selon Buonarroti la tentative d’évasion aurait échoué par l’imprudence d’un des détenus ; le Journal général cité par Advielle, t. I, p. 233, donne cette autre version : « Le hasard a voulu que, pour les changer d’air, on les transférât dans une chambre haute. » (8 pluviôse an V — 28 janvier 1797.)
  2. Il devint comme plusieurs conventionnels préfet de l’Empire et sénateur. Nous l’admirerions plus à l’aise pour sa conduite dans l’affaire de Babeuf, si son écriture n’était l’une des plus vilaines qu’on puisse voir.