Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/389

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théoriciens de la politique. Et il citait de Rousseau, de Mably, de Diderot (Morelly), de Saint-Just, d’Harmand de la Meuse, de Tallicn lui-même, de longs passages qui en effet, tant l’opinion avait changé ! étaient devenus délictueux, puisque l’un d’eux (un passage de Rousseau), copié de sa main, figurait parmi les pièces incriminées, mais qu’il revendiquait le droit de célébrer comme contenant les plus sublimes enseignements de la philosophie. Ce qu’il faut voir, demandaient-ils, dans tous ces rêves, c’est l’intention : posez au jury la question qui est de règle : si nous avons commis les faits que vous nous reprochez, « méchamment ou à dessein » : le jury ne pourra pas répondre affirmativement à cette question. Nos intentions sont les mêmes que celles de Jean-Jacques, de Mably et de Diderot. « Descendez dans votre cœur, vous y trouverez une voix sourde qui vous crie : ces hommes ne rêvaient qu’au bonheur de leurs semblables… La révolution ne fut pas pour tous un jeu d’intérêt personnel. Pénétrez-vous bien, citoyens, qu’il y eut des hommes qui la regardèrent comme un événement important pour l’humanité ; soyez bien convaincus qu’elle devint pour eux une religion nouvelle à laquelle ils surent par un abandon absolu sacrifier les convenances, les biens, le repos et la vie. » Que restera-t-il de la liberté, si vous étouffez les passions généreuses et interdisez les projets qui ne tendent qu’au bonheur des hommes ? « A quoi se réduirait le soin que la loi a pris de concilier par les questions sur l’intention et sur l’excuse, les contradictions si fréquentes entre les préceptes de la loi naturelle et ceux de la loi positive ?[1] » Là encore

  1. Buonarroti, t. II, p. 58 et 41.