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duisent la dictature. Elles l’engendrent aussi directement. Elles sont toujours révolutionnaires et les socialistes qui déclarent ne rien attendre du libre jeu des institutions parlementaires, ont raison. Or la révolution est par essence une dictature collective ou individuelle. Le pouvoir arbitraire qui invoque la volonté présumée du peuple pour étouffer sa volonté réelle, régulièrement exprimée, est le produit naturel et le seul instrument possible des tentatives collectivistes. Le seul fils de Babeuf qui joua un rôle politique, Emile, le gavroche qui distribuait le Tribun du Peuple, devint un fanatique de Napoléon et il alla à l’île d’Elbe se mettre aux pieds de son idole. La filiation est symbolique.

Indiquons, selon la coutume des historiens de la conjuration, ce que sont devenus ceux qui y ont pris part. Grisel fut nommé, grâce à l’influence de Carnot, adjudant de la place de Nantes, le 1er vendémiaire an IX. On a raconté que le traître avait été provoqué en duel en Espagne ou à Lyon et tué par Emile, le fils aîné de Babeuf. Son dossier, qu’on peut voir au ministère de la guerre[1], ne contient rien qui confirme cette légende, car il porte que Grisel mourut à Nantes, exerçant les fonctions que nous venons de dire, le 22 juin 1812, à l’âge de 47 ans. Potofeux eut comme avocat une carrière longue et prospère à Laon. Massart fut transporté en Nivôse aux îles Seychelles et y mourut. Bouin, transporté par la même mesure, alla mourir à l’île d’Anjuan, l’une des Comores. Antonelle, dit un rapport de l’an IX, « est tranquille et mène une vie pastorale dans une campagne près d’Arles ; » à la Restauration il se retrouvera marquis et royaliste. Germain couronna ses bonnes fortunes par un mariage riche ; il cultiva paisiblement son jardin jusqu’en 1831, où il mourut du choléra. Drouet devint sous-préfet sous

  1. M. Robiquet, L’arrestation de Babeuf, Revue de la Révolution fraçaise, du 14 avril 1895, p. 313.