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Seconde lettre de F. N. Cam[1] Babeuf, Citoyen,


a G. M. Coupé, Législateur



Beauvais, 10 Septembre 1791.


Je vous l’ai promise, cette seconde lettre, parce que ce que j’ai à vous dire en ce moment n’est point de nature à pouvoir être présenté méthodiquement et fructueusement dans une simple conversation. Il faut qu’ici je puisse parler seul et que vous ne m’interrompiez point, qu’à mon tour ensuite je vous laisse réfléchir seul, et que je demeure sans vous voir jusqu’à l’expiration de 24 heures après que vous m’aurez lu.

Cette lettre est nécessaire pour déterminer d’une manière absolue et décisive les rapports futurs entre vous et moi ; et après elle j’entrevois et j’espère que notre franchise et l’effusion de nos sentiments n’ont plus rien qui les arrête ; j’entrevois que toute entrave qui pourrait s’opposer à l’épanchement d’une entière confiance réciproque, est écartée.

Pourquoi suis-je venu à Beauvais et qu’y fais-je encore ? Il est utile que je vous rende aujourd’hui ce compte. J’y suis venu pour m’intéresser au salut public, que j’ai imaginé pouvoir dépendre en très grande partie de la confiance qui serait donnée à un homme. Cet homme, c’est vous.

C’aurait été encore pour moi une consolation, si l’on vous eût refusé cette confiance, de gémir près de vous sur la corruption de ceux qui fomentent les cabales, dont l’effet vous eût enlevé au bonheur du peuple. Ma joie est plus grande d’avoir à me féliciter pour ce peuple d’une acquisition dont il ignore encore le prix.

  1. Ce titre est de la main de Babeuf. On sait qu’avant de prendre le prénom de Gracchus, Babeuf porta pendant quelque temps celui de Camille.