Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/420

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profonds hommages, serait-il pour nous un sujet de blâme ! Ah, je l’ai déjà répété et je le redis, quiconque n’aura pas pour dernier objet de ce qu’il souhaite les vues que j’annonce, doit renoncer à exprimer de bonne foi les mots sacrés de civisme, liberté, égalité ; il doit, pour en empêcher l’effet, d’après la conduite pure et droite de ceux qui les déclament avec sincérité, il doit, dis-je, tout en les prononçant, bâtir ses plans sur les modèles des Barnave, des Thouret, des Dandré et de tant d’autres traîtres, dignes de ressentir un jour les coups de la justice nationale.

Vous avez pris l’engagement de suivre d’autres émules, brave citoyen ! Pétion, dans un projet de déclaration des Droits de l’homme en 1789, avait consacré un article pour le plus important de ces droits qu’on a voulu oublier dans la Déclaration décrétée, c’était celui ayant pour objet l’obligation par la société d’assurer à tous ses membres une honnête subsistance. Analysez Robespierre, vous le trouverez aussi agrairien en dernier résultat, et ces illustres sont bien obligés de louvoyer parce qu’ils sentent que le temps n’est pas encore venu. Vous vous élèverez à la hauteur de ces philanthropes respectables ; vos maximes, versées ( ?) au projet, donnent les mêmes rédactions que les leurs.

Bien certainement, je suis convaincu que vous voulez vous distinguer entre les Législateurs. Mais avec les occupations minutieuses qui, sans laisser un moment de relâche, vous détournent du grand objet pour lequel vous êtes appelé, il est impossible que vous rêviez à la marche importante que vous aurez à suivre. Savezvous cependant que le temps approche ; que sans aucun doute les représentants ennemis de la Patrie concertent déjà leurs projets désastreux : songez-vous que sans un plan tracé d’avance pour déconcerter le leur, ils vont encore avoir beau jeu à vous vaincre ? Craignons surtout l’ouverture de la session ; la manière dont on y procèdera, le ton sur lequel on viendra s’y monter, seront les bases sur lesquelles poseront tous les travaux de la législature. On ne va pas manquer de réclamer d’abord le respect le plus religieux pour ce qu’on appelle les articles constitutionnels de la législature de 1789. Si un discours terrible, mâle, éloquent, persuasif, ne vient pas foudroyer à la première séance ce préjugé perfide ; si dès lors l’Assemblée, dite législative, ne monte pas au faîte de sa place, tout est encore perdu, et la République est tout à fait plongée dans l’esclavage par ses seconds mandataires.

Vous reposerez-vous sur quelqu’un de vos collègues pour montrer une âme ferme dans cette grande occasion ? N’allez-vous pas vous préparer pour une circonstance décisive, et d’où peut dépendre le bien des hommes de votre pays, toujours asservi