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C’est l’heure inspiratrice où la mélancolie
Erre sur les bosquets, s’assied près des ruisseaux,
Étend son aile d’or sur l’ame recueillie,
Puis écoute, pensive, ou l’onde qu’on oublie,
Ou le dernier chant des oiseaux.

Sur un banc de gazon elle attend le poète,
Couronne de pavots son front pâle et terni,
Le mène par la main sur la rive muette,
Et montre l’eau, qui va dans la mer inquiète,
Comme le temps dans l’infini.

Alors on sent en soi passer mille pensées,
Comme un nuage au ciel, comme un cigne sur l’eau,
On retrouve en son cœur des peines effacées ;
On se souvient, on pleure ; et les choses passées
Nous font rêver au noir tombeau.

Moi, j’ai vu sur mon front faner tant de chimères,
Tant de projets hélas ! ici-bas m’ont menti,
J’ai pris si peu de fleurs qui ne soient éphémères,
Que je me dis : Pourquoi, quand les nuits sont amères
Survivre au rêve anéanti ?