Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou le crocodile, le mégathérium ne les craint pas ; il broiera le crocodile d’un seul coup de son pied et le cougouar d’un revers de sa queue recouverte d’écailles. Cette forteresse vivante marchait à pas lourds et lents sur le sol importuné d’un tel volume. Soit que la nature ait trouvé que ces mégathériums absorbaient dans leur construction une matière animale trop abondante, et qu’ils nuisaient ainsi à l’économie générale de la création, soit encore que ces masses formidables dussent opposer un jour à la domination intelligente du maître actuel de la terre des forces de résistance trop disproportionnées, elle jugea à propos de les anéantir. On frémit en songeant aux moyens de destruction qu’il fallut mettre en œuvre pour abattre ces titans du règne animal. Que sont nos révolutions politiques et nos misérables guerres civiles, qui ébranlent à peine un trône, auprès de ces incroyables séditions de la nature dont la violence et l’étendue ont laissé, après des milliers de siècles, sur le théâtre de la lutte, des vestiges indestructibles ? Si au contraire l’influence des milieux ambians toujours renouvelés a suffi à la longue pour faire disparaître ces colosses, quelle durée ne faut-il pas supposer aux époques antédiluviennes ! L’imagination ne quitte ici l’obsession de la force que pour tomber sous celle du temps, et de toutes parts on s’abîme également dans une sorte de rêve pénible. À défaut d’autre chronomètre, l’étendue de ces âges primitifs peut se mesurer par le nombre et la variété des dépouilles qu’ils ont laissées sur le globe. Quand on pense que les masses énormes de calcaire qui constituent certaines mon-