Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/203

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animaux sont rebelles à toute approche ; leur mauvais caractère s’associe à une merveilleuse beauté. Aristote comparait, pour les mœurs autant que pour la forme, le lion à l’homme et la panthère à la femme, Nous lui laissons la responsabilité de ce jugement. Cependant le gardien touche aux dernières cages de la ménagerie. Les deux individus qui les habitent sont d’un accès facile. Leur repas est mêlé de viande et de pain. L’ours tient par son organisation, et surtout par l’ampleur de son cerveau, le haut de l’échelle des carnassiers. Aussi le voyons-nous soulever de terre la nourriture avec ses pattes. C’est un degré vers le singe, qui se sert de ses mains pour porter les alimens jusqu’à sa bouche. Le repas de tous ces animaux est de courte durée ; on n’aperçoit bientôt plus dans leurs loges que de grands os rouges, léchés, rouges encore, sur lesquels de vastes dents ont laissé l’empreinte de l’appétit carnassier et de la force. Ces redoutables convives promènent encore long-temps leur large et rude langue autour de leur mâchoire vide, sur leurs lèvres ensanglantées. Puis, l’appétit étant satisfait, on voit tomber peu-à-peu de leur face crispée ce voile de férocité native ; tous ces animaux repus prennent l’attitude plus calme de la tristesse et de la résignation.

Un sentiment de convenance a fait sans doute interdire au public la vue des animaux carnivores dans l’action de la nourriture. En dérobant aux yeux de la foule cette scène de barbarie, les administrateurs du Muséum se montrent bien éloignés de la politique romaine qui faisait déchirer les chrétiens condamnés