Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/80

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à une seule ou à plusieurs familles associées. On ne peut regarder comme véritable origine d’un peuple une assemblée qu’on imaginerait fortuitement formée de plusieurs hommes épars çà et là : cette réunion serait simplement l’origine de leur société : on ne peut pas non plus appeler origine des nations les établissements faits par des transmigrations ou par des conquêtes : tous ces changements accidentels sont précisément des effets de la corruption de l’état primitif des peuples, et ces événements sont, à leur tour, devenus autant de nouvelles causes des plus grands désordres.

Puisqu’il est constant que toute nation doit ses commencements à une ou à plusieurs familles, elle a dû, au moins pendant quelque temps, conserver la forme du gouvernement paternel, et n’obéir qu’aux lois d’un sentiment l’affection et de tendresse que l’exemple du chef excite et fomente entre des frères et des proches ; douce autorité qui leur rend tous biens communs, et ne s’attribue elle-même la propriété de rien.

Ainsi chaque peuple de la terre, au moins à sa naissance et dans son pays natal, a été gouverné comme nous voyons que le sont de nos jours les petites peuplades de l’Amérique, et comme on dit que se gouvernaient les anciens Scythes, qui ont été comme la pépinière des autres nations. Mais à mesure que ces peuples se sont accrus comme le nombre des familles, les sentiments d’union fraternelle se sont affaiblis comme l’autorité des pères, alors trop partagée.

Celles de ces nations qui, par quelques causes particulières, sont restées les moins nombreuses, et sont plus longtemps demeurées dans leur patrie, ont le plus constamment conservé leur première forme de gouvernement toute simple et toute naturelle : celles même qui se sont considérablement accrues, sans changer de demeure, ont