Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/26

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question ne se posait pas bien clairement ; mais, tout de même, il me semblait qu’il y avait là quelque chose qui n’était pas bien arrangé.

— Il te faut aller au lit, dit ma mère.

Elle me prit sur ses genoux et me dépouilla en un tour de main. Aussitôt couché, je m’endormis sans plus penser à rien.


Lorsque je me réveillai, le lendemain, ma mère attisait le feu sous la marmite où cuisait la soupe, et mon père triait sur la table les oiseaux attrapés la nuit à la palette. Aussitôt levé, je vins le voir faire. Il y en avait une trentaine, petits ou gros : grives, merles, pinsons, verdiers, chardonnerets, mésanges, et même un mauvais geai. Mon père les assemblait, pour les vendre mieux, par cinq ou six, avec un fil qu’il leur passait dans le bec. Ayant fini, il mit toutes ces pauvres bestioles dans son havresac et le pendit à un clou, de crainte de la chatte. Cela fait, ma mère ayant taillé le pain cependant, fit bouillir la marmite et trempa la soupe. Il était un peu tôt, sur les huit heures, mais mon père voulait aller à Montignac vendre ses oiseaux. Ayant mis la soupière sur la table, ma mère nous servit d’abord, mon père et moi, puis elle ensuite, et nous nous mîmes à manger de bon goût, ayant faim tous trois, surtout mon père, qui avait passé presque toute la nuit dehors. Lorsqu’il eut mangé ses deux grandes assiettes de soupe, et bu, mêlée à un reste de bouillon,