Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/66

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avec de la terre grasse. Par l’effet du temps et des hivers, les murs s’étaient effrités, écaillés, déjetés comme ces pauvres vieux qu’on rencontre devers chez nous, courbés, tordus par la misère, le travail et les ans.

Des graines apportées par le vent avaient germé çà et là, dans les trous et les fentes des murs : pourpiers sauvages, artichauts de murailles, scolopendres et perce-murs. La tuilée couverte de mousse sur laquelle pointait une herbe fine comme des aiguilles, avec quelques touffes de joubarbe çà et là, tenait encore, excepté à un bout où elle s’était écrasée. À travers ce trou grand comme un drap de lit, on voyait, soutenus par une panne, des chevrons sur lesquels étaient encore cloués des morceaux de lattes. Autour de la maison et de la tuilière, tout était plein de débris de tuiles, de briques et de décombres entassés sur lesquels poussaient, gourmandes, ces plantes rustiques qui foisonnent dans les lieux abandonnés et sur le bord des vieux chemins où l’on ne passe plus. Là se serraient, drues et vivaces, des menthes à l’âcre odeur, des carottes sauvages, des choux-d’âne, des morelles, des mauves, des chardons à tête ronde que nous appelons des peignes, et vingt espèces encore. Plus au loin dans la clairière, les fouilles pour l’extraction des terres avaient laissé des trous où l’eau verdâtre croupissait, et des amoncellements pareils à de grandes tombes sur lesquels çà et là de maigres