Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/83

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Moi, tout en écoutant ces propos, assis sur le saloir dans le coin du feu, je regardais cette maison bien pauvre en vérité. Le lit de la vieille était dans un coin, garanti de la poussière du grenier par un ciel et des rideaux de même étoffe, jadis bleus avec des dessins, et maintenant tout fanés. Ce lit coustoyé de chaises, dont aucunes dépaillées, était encombré, au pied, de vieilles hardes. Dans le coin opposé, il y avait la place vide du lit qu’on lui avait fait vendre. Au milieu, la table avec un banc. Contre le mur, en face de la porte, était une mauvaise maie, où la bonne femme serrait le pain et autres affaires depuis que son cabinet était vendu. Une cocotte et une marmite étaient sous la maie, une soupière et des assiettes dessus, et, avec la seille dans l’évier, c’était à peu près tout : on voyait que les gens du roi avaient passé par là.

Cependant, l’heure du souper approchant, la vieille alla quérir des branches de fagots dans l’en-bas qui communiquait avec la cuisine, raviva le feu devant lequel cuisaient déjà des haricots, et pendit à la crémaillère son autre marmite où il y avait du bouillon. Cela fait, elle débarrassa le couvercle de la maie, en maudissant ces bougres de gabelous qui lui avaient fait vendre son vaisselier si commode, prit dedans une tourte entamée et commença à tailler la soupe avec un taillant, engin plus facile que la serpe dont nous nous servions chez nous.