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Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/88

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PLUVIÔSE

Il pleut, il pleut, il pleut encore, il pleut toujours. Sur la terre détrempée les gouttes pressées tombent lourdement avec un bruit mat comme des balles de plomb. Les fossés sont pleins d’eau sale où pointent les joncs ; les prés sont inondés et les ruisseaux débordent.

Vers les confins du Haut-Limousin, dans la Double, les étangs envahissent la lande et les nauves. Dans le causse du Périgord, les méchants « lacs » se remplissent d’une eau blanchâtre qui croupira jusqu’à l’été, et finira par s’évaporer en laissant une vase infecte faite de limon et de la bouse des bœufs qui viennent s’abreuver là. En pleine campagne, les chemins des villages sont impraticables souvent ; il faut passer le long des champs où le sabot enfonce et se prend dans la terre gluante. Par le froid et la gelée on peut encore sortir quelque peu, mais avec ce temps diluvien, il faut rester au logis.

Pourtant, il faudrait qu’il fît bien mauvais temps pour empêcher les paysans de certains cantons, d’aller faire bénir une rave à la messe le jour de la saint Blaise. Ce jour-là, au lieu de leur faire honte de leur superstition, les curés se disent comme ce légat du pape qu’une foule imbécile importunait de demandes de bénédictions : Ce peuple veut être trompé, qu’il le soit !

Et comme lui ils bénissent.