Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/64

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bien un peu surpris de voir un fesse-mathieu comme ton cousin se montrer si facile en finale !… Mais, avec la protection de sa fille, tout s’explique ! Elle seule a du pouvoir sur lui : cet homme si dur ne sait rien lui refuser… Sur cette heureuse conclusion, si nous buvions une autre vieille bouteille ?

— Je vous remercie, répondit Daniel en souriant ; il se fait tard, je vais partir.

— Bon ! Je t’accompagne un bout de chemin.

Tandis qu’ils montaient la côte à pied, Daniel menant sa jument par la bride, M. Cherrier passa son bras sous celui de son jeune convive.

— Mon fils, lui dit-il affectueusement, puisque la plus grosse affaire est réglée, nous ne vendrons rien du tout ! Moi, je me charge d’arranger le reste. J’ai en chai sept barriques d’eau-de-vie, de mes quatre dernières récoltes, qui ne doivent rien à personne… et puis j’attends prochainement quelques rentrées…

— Mais, monsieur Cherrier…

— Chut ! c’est convenu ! Au lieu de quatre ou cinq petits créanciers, tu n’en auras qu’un seul… et il ne sera pas bien féroce, va !

Et, comme Daniel le remerciait avec effusion et protestait de sa reconnaissance, le notaire l’interrompit vivement :

— Oh ! ne parle pas de reconnaissance ! c’est moi qui t’en devrai !… Vois-tu, j’ai besoin d’affectionner quelqu’un, de lui faire du bien. Or ces deux femelles, chez moi, ont manœuvré de telle sorte que je les déteste ! Toi, je te connais dès ton jeune âge, tu as de bons sentiments, tu es un brave garçon : tu es mon homme !… Ton père, par délicatesse, ne me disait pas toujours ses affaires, sinon au moment de passer l’acte : sans quoi, je n’aurais jamais souffert