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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/127

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habillés de longs frocs bruns, avec un grand collet plein de coquillages, et portant de grands bâtons où étaient attachées des gourdes à mettre le vin ; et d’autres encore qui encensaient, et des filles tout en blanc qui jetaient des feuilles de roses. Et puis ces longues files de gens nu-tête sous le soleil, et les chanteuses, et les sœurs, et le curé sous le dais porté par des conseillers de la commune avec de grands bords-de-cou bien empesés ; tout ce monde passait sur des jonchées de buis et de fenouil qui embaumaient, tandis que les cloches carillonnaient. Et lorsqu’on donnait la bénédiction au reposoir de la place, tout le monde était à genoux le front courbé, moins les drôles qui encensaient le bon Dieu et ceux qui faisaient voler les fleurs en l’air, cependant que des remparts du château, le canon pétait à tout casser.

Tout au bout du bourg, vers le soleil levant, l’hospice était là, avec sa façade creusée en quart de cercle ; et sur la place devant où j’avais fait si souvent au vieux jeu de la Truie, des oisons paissaient l’herbe courte, ou se reposaient sur le ventre, allongeant de temps en temps le cou en piaulant vite et doucement, comme s’ils se fussent raconté quelque chose.

C’est sur cette place qu’on faisait de beaux feux de Saint-Jean, que le curé venait allumer en cérémonie. Les fagots étaient garnis de feuillage et de fleurs, avec un bouquet tout en haut que l’on s’efforçait d’attraper. Ceux qui n’avaient pas réussi, emportaient un tison pour garder leur maison du tonnerre, et personne ne s’en allait sans avoir sauté par-dessus le brasier pour se préserver des clous.

C’est aussi sur cette place qu’on bénissait les bestiaux, le jour de la Saint-Roch. Tous les paysans de ce côté de la paroisse qui regarde vers le Limousin, y menaient leurs bêtes ; ceux du côté du Causse allaient à Saint-Agnan. Que de belles paires de