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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/193

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une vigne que nous avions fait planter. Il n’aurait pas été honnête de laisser notre hôte ; je dis bonsoir à Nancy, et je fus les rejoindre. Nous fîmes le tour du bien, tout doucement, nous arrêtant souvent, comme on fait entre gens de campagne, pour regarder une pièce de blé, ou un pré bon à faucher, ou une chenevière, ou même des choux dans une terre.

Ayant fait le tour, nous entrâmes à la maison et Labrugère fut voir Gustou, qui nous dit que ça allait bien maintenant, qu’il avait dormi, et qu’il mangerait bien un peu, s’il y avait moyen.

Quand il eut mangé et bu un bon coup, nous allâmes souper. Lorsque Marion avait vu que Labrugère restait, elle avait vitement tué un poulet, et l’avait fait sauter emmi des artichauts. Avec les goujons et des haricots, ça faisait un bon petit souper de campagne. Labrugère se régala de goujons, seulement il remarqua qu’ils étaient éventrés, et ajouta qu’il avait ouï dire qu’ils étaient meilleurs quand ils n’étaient pas vidés.

— Ça dépend, dit mon oncle, il y en a qui les aiment avec les boyaux, mais ça les rend trop amers à mon goût. Et puis, c’est de la fiente qu’il y a dedans, et fiente de goujons ou fiente de bécasse, pour finir c’est toujours de la fiente. Il faut vous dire aussi que dans la maison, nous avons toujours eu, de père en fils, la coutume de vider les goujons, comme étant nous autres, venus de Brantôme. Et alors il nous expliqua que l’hospice de Brantôme étant sur le bord de l’eau, on jetait par les fenêtres dans la rivière, les cataplasmes, les emplâtres et autres affaires des malades, en raison de quoi, les goujons des graviers du tour de la ville étaient bien gras, bien beaux, mais qu’il fallait les vider, parce que quelquefois, ils avaient de la charpie dans le ventre.

Cette explication fit rire Labrugère aux éclats ; il