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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/278

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la petite grave de rivière. Le long de l’allée du milieu, qui était plus large que les autres, ma femme planta ou sema des bouquets, comme des rosiers, des lis, des muguets, des passe-roses, des giroflées, d’autres qui sentaient bon, comme du basilic, de la menthe, du thym, de la lavande. Au bout de cette allée, mon oncle remonta un cabinet de verdure dont le bois était tombé en pourriture, et comme le chèvrefeuille était vigoureux et foisonnait, la même année il y eut de l’ombre.

Quand il ne faisait pas quelque besogne comme ça, mon oncle aimait à tenir le petit Hélie, à le promener, et quand le drole commença de marcher, il le menait tout doucement par la main.

L’hiver se passa assez bien, tout allant à peu près, malgré le mal vouloir de quelques coquins dont j’ai parlé, qui se servaient de la politique pour tâcher de nous nuire. Mais on a beau faire, chez nous autres paysans, on ne comprend pas les haines politiques, et quand même ceux qui nous voulaient mal auraient valu quelque chose, on ne les aurait point écoutés.

C’est bien vrai que cette sagesse commence à s’en aller, et que l’on trouve maintenant, dans des petites communes, des voisins qui se mangeraient les foies pour des questions de partis. Je crois bien que souvent la politique n’est que la couverture de ce mal vouloir, et que si ce n’était pas ça qui les rendrait ennemis, ça serait autre chose. Autrefois les querelles étaient entre papistes et parpaillots, et elles ont fait couler pas mal de sang chez nous en Périgord, sans parler d’ailleurs. C’est qu’il y a dans nous tous un vieux fond noiseur et batailleur qui a besoin de se faire jour. Aujourd’hui, on se bat dans les élections à coups de morceaux de papier, comme autrefois on se battait à coups de mousquets, de piques, de flèches, de pierres. Les bonnes gens qui accusent la