Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/124

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Tribunaux, du retentissant procès de la « Mer nouvelle de Tombouctou », d’où « le sieur Chaboin et la femme Dissac, son épouse », étaient sortis acquittés, mais marqués comme d’un fer rouge par de terribles considérants. Après avoir jaugé la veuve, l’agent d’affaires avait dressé ses batteries et, très judicieusement, s’était dit que madame Chaboin devait être lasse, importunée, excédée, des prosternations qui ne s’adressaient qu’à ses millions ; que cette femme décriée, ambitieuse, devait être sensible aux marques de considération personnelle ; enfin que, s’il était possible de capter sa confiance, c’était en exaltant la vaste intelligence, en magnifiant le génie profond qui avaient construit l’édifice de sa fortune. Ces flatteries devaient être d’autant plus agréables à madame Chaboin que, si elle avait été assez habile pour masquer de légalité ses friponneries, elle n’en était pas moins connue et méprisée.

M. Guérapin, passé maître en l’art de flagorner, patelin, obséquieux, et aussi plat devant les riches et les forts qu’il était dur et rogue avec les pauvres et les faibles, eut encore l’heureuse chance de tomber sur une Chaboin ayant passablement dormi. Après des salamalecs prosternés et les premiers compliments à l’opulente dame, l’agent d’affaires, prenant le contre-pied des précédents visiteurs, convint que le château, la terre et la bourgade d’Auberoque