Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/126

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Madame Chaboin jetait l’or sans compter pour la satisfaction de ses fantaisies et de ses caprices, mais elle était pour tout le reste d’une avarice crasse, dissimulée sous un prétexte d’amour-propre : « elle ne voulait pas être exploitée !… » Elle écouta donc complaisamment les dires de M. Guérapin, et parut goûter ses démonstrations et preuves sommaires. Aussi, lorsque, après s’être montré, tour à tour, habile, flatteur, insinuant, l’agent d’affaires prit humblement congé de madame Chaboin, celle-ci lui dit négligemment, en grande dame :

— Je verrai tout cela… Peut-être aurai-je à vous entretenir prochainement.

Avec une autre personne, c’eût été une quasi promesse ; mais avec madame Chaboin, que sa parole n’avait jamais gênée, et qui d’ailleurs changeait d’avis du matin au soir, on n’y pouvait guère faire de fonds. Aussi, au bout de quinze jours, ne voyant rien venir, M. Guérapin profita d’une réunion du conseil municipal pour proposer de monter en corps au château porter à madame Chaboin les compliments de bienvenue de la commune.

Malgré la vive opposition de M. Farguette, cette plate proposition fut adoptée par tous les conseillers de la section d’Auberoque, moins deux.

— Puisque vous avez fait cette proposition, dit le maire à M. Guérapin, vous présenterez le conseil, si vous voulez ; moi, je n’irai pas au château.