Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/141

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porte », puisqu’il n’était pas possible de la hisser jusqu’au bourg. Comme dans toutes ces petites localités autrefois, on se faisait de grandes illusions sur les conséquences du passage de la ligne ferrée et de la proximité de la station. Il semblait, à entendre les fortes têtes d’Auberoque, que la vieille bourgade à moitié morte allait en être revivifiée et doubler d’importance.

À l’est de la colline où se groupaient les maisons, s’étendaient, en pente roide, des terres de médiocre qualité, des champs-froids, dépendant du château, et, jusqu’au fond d’un vallon glacé, d’immenses prés marécageux appartenant à madame Chaboin : c’est dans ces prés que devait être construite la station selon les naturels d’Auberoque. Le lieu était malsain, d’un accès incommode ; le terrain en déclivité nécessitait de formidables murs de soutènement au-dessus desquels la station serait comme perchée ; mais elle serait ainsi à deux ou trois cents mètres plus près d’Auberoque que de Charmiers : raison suprême.

Madame Chaboin était à peu près dégoûtée de tout ; elle n’aimait personne et n’affectionnait rien : ni un enfant, ni un chien, ni un oiseau, ni une fleur, rien… sauf l’argent. Avec sa vanité ambitieuse de jouer à la grande dame, son instinct cupide de manieuse d’affaires subsistait toujours, vivace et à l’affût des occasions : aussi comprit-elle tout de