Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/221

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La haine venimeuse que cet homme avait pour M. Farguette se doubla dès lors d’une haine pareille à l’endroit de M. Lefrancq, qu’il détestait déjà comme ami du pharmacien. Il songea tout d’abord à le faire déplacer et en écrivit à madame Chaboin et à M. Duffart, leur exposant que ce garçon-là discourait librement sur leur compte ; que c’était un intime de M. Farguette ; un franc-maçon, avait-il ouï dire à un voyageur de commerce ; enfin un homme dangereux, un ennemi dont il fallait se débarrasser.

De motifs sérieux pour le faire déplacer, il n’y en avait pas ; mais cela n’était pas pour gêner le Guérapin. Il adressa au directeur général de l’enregistrement une plainte verbeuse et prolixe, où, entre autres choses, il accusait M. Lefrancq d’avoir reçu très impoliment un sien parent ; de fermer son bureau avant l’heure réglementaire ; de s’absenter sans autorisation ; de recevoir dans son bureau des femmes légères, — allusion à la visite deux fois renouvelée de mademoiselle de Caveyre ; — d’accepter des cadeaux de gibier, de truffes, des délinquants condamnés, et autres griefs de ce genre.

Pour fortifier cette dénonciation, l’intendant fit porter par des gens à sa dévotion des plaintes particulières, qui corroboraient les faits allégués. Il se flattait que, par ses relations, M. Duffart donnerait du poids à toutes ces calomnies, chose qui se voit encore quelquefois. Heureusement, le directeur gé-