Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/228

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sivement refusé par toutes les demoiselles d’Auberoque et des environs, — les riches, s’entend, — car la mère avait pour son « Julou » de grandes prétentions : « La première famille du pays après le château !… vous comprenez ?… » Mais cette honorable épistolière n’était pas de la force de la veuve Creyssieux ; elle n’avait ni ses inventions perfides ni son habileté à profiter des circonstances. Pourtant elle avait eu quelques succès en faisant manquer deux ou trois combinaisons matrimoniales péniblement échafaudées par l’oncle Guérapin pour caser la grosse Irma. Il est vrai qu’elle n’avait eu qu’à signaler des choses connues : à savoir, qu’un cousin, receveur-buraliste, cousinait beaucoup dans la maison, et à rapporter des rumeurs d’une nature grave sur le résultat dudit cousinage.

En ces circonstances, madame Desguilhem n’obéissait pas à un mouvement de dépit, car elle n’avait jamais ambitionné pour son fils l’alliance des Creyssieux et des Guérapin, gens sans fortune et fort au-dessous d’elle. Non ! en nuisant à la veuve et à sa fille, la bonne dame vengeait une sienne sœur qui avait beaucoup souffert des infidélités de son mari avec la « grande Creyssieux », comme on appelait celle-ci, au temps où elle était jeune et déjà fort décriée : tant madame Desguilhem, née Porcher, avait le sentiment de la solidarité familiale.

La veuve Creyssieux aussi, d’ailleurs, car elle en-