Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/267

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de formes adoucies, procédaient du même sentiment que celui du colonel, et madame Chaboin ne s’y trompait pas. Tout cela l’exaspérait et lui mettait comme un fer rouge dans les entrailles. Elle en voulait à chacun et à tous du mépris, latent ou visible, de ces personnages haut placés dans le monde officiel ou aristocratique, mépris qui l’isolait comme une lépreuse et n’était pas compensé par les basses adulations du vulgaire. Un furieux désir de se venger la possédait ; mais, comme ceux qui l’avaient humiliée étaient hors de ses atteintes, toute sa haine retombait sur les petits qui n’y étaient pour rien, sur la commune d’Auberoque que les dernières élections avaient mise à sa discrétion : et, à l’avance, ce lui était une délectation et une sorte de soulagement de la dépouiller : elle se vengeait ainsi en bloc.

Comme elle avait compris qu’avec les pleutres auxquels elle avait affaire, elle pouvait parler haut et en maîtresse, elle réitéra sa demande d’aliénation des communaux par une lettre insolente où elle posait ses conditions et refusait d’avance toute contre-proposition : c’était à prendre ou à laisser.

Le jour où cette demande fut portée au conseil municipal, M. Duffart, venu tout exprès de Paris, se présenta muni d’un pouvoir de madame Chaboin et plaida sa cause en faisant un exposé mensonger de la situation. Selon lui, cet échange ouvrait une ère