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— Il me semble qu’il est plus calme que la nuit dernière, disait Michelette.

— Oui, murmurait M. Lefrancq, il me le semble aussi.

Mais ce qu’il ne disait pas, c’est que cette tranquillité relative du malade était due à l’atténuation progressive de ses forces.

L’inaction est pénible, au chevet des malades qui nous sont chers : on voudrait les guérir, les soulager au moins, les assister autrement que par une compassion ineffective, « faire quelque chose », en un mot. Pour satisfaire à ce besoin d’activité pieuse, Michelette arrangeait un drap, tirait un rideau, remontait l’oreiller : soins inutiles et vains, auxquels son père, déjà entré dans les ombres de la mort, restait insensible.

— Si je le faisais boire un peu ? soufflait-elle.

— Il vaut mieux ne pas le déranger, répondait M. Lefrancq.

Lui, parfois, les jambes engourdies, se levait et sur la pointe des pieds allait à la fenêtre. C’était une nuit d’automne, noire, mais calme, et attiédie par la terre réchauffée au soleil de l’été de la Saint-Martin. Au dehors, sur le ciel obscur, pointaient faiblement quelques rares étoiles. Au-dessous, le jardin à plain-pied du rez-de-chaussée s’entrevoyait à peine. Au bas de la terrasse, les prés qui dévalaient au ruisseau et les ondulations moutonnées de l’autre côté du