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Page:Eugène Le Roy - Nicette et Milou, 1901.djvu/75

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sante, cet hercule qui charge seul une barrique de vin sur une charrette, cet homme audacieux que rien n’arrête, M. Rudel a une faiblesse.

Lui, qui ne croit quasiment à rien, et n’est pas autrement religieux, il a un respect superstitieux pour le nom de la sainte Vierge, au point de ne vouloir pas, chez lui, de servantes du nom de Marie. On a vu passer dans la maison tous les noms de fille usités dans le pays : des Fantille, des Jeanneton, des Mïette, des Catissou, des Francette, des Rose, des Léonarde, des Margotille, des Toinette, des Pétronille, des Suzette, des Justine, des Nicolette, des Aubine, des Fillette, des Rosalie… De Marie, point. Ce respect est tel qu’il s’étend aux diminutifs. Avant d’attaquer une fille qu’il ne connaît pas, M. Rudel lui demande en badinant son nom. Si elle s’appelle Marie, Maria, Mariette, Marion, elle est sauvée. Il dit alors : « C’est dommage ! » et s’en va penaud.

Madame Rudel n’ignore pas les manières de faire de son mari, mais elle ne s’en soucie point. Dans les premiers temps de son mariage,