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Page:Eugène Le Roy - Nicette et Milou, 1901.djvu/76

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lorsqu’elle se donna garde de la chose, elle chantait pouilles à M. Rudel, qui afin de s’excuser disait :

— C’est pour te ménager…

— Je ne veux pas être ménagée !

Mais, maintenant, après tantôt vingt ans de vie commune et avoir eu une dizaine d’enfants dont il lui reste sept, elle se tient pour satisfaite et n’est point jalouse. Elle a honte seulement que son mari laisse un peu trop voir ce qui se passe. Mais elle a été tellement écrasée par la tyrannie de M. Rudel qu’elle n’ose parler haut.

Sa grande affection, c’est son Jean. On porterait son mari en terre, qu’elle n’en serait pas autrement émue et présiderait tranquillement au repas des funérailles. Mais Jean ! elle l’aime parce que c’est son premier-né, elle l’aime aussi parce qu’il n’est pas un Rudel. Les Rudel ont le poil rouge : Jean est brun comme sa mère, comme son grand-père Dumazy. Les Rudel sont durs, violents, autoritaires, paillards ; Jean est doux, bon, et sage comme une jeune fille qui l’est.