Page:Eugene Simon - La Cité chinoise, 1891.djvu/251

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la propriété est tellement morcelée, que tous ces travaux qui, avec une population clairsemée, seraient impossibles ou exigeraient une énorme concentration de forces, fragmentés deviennent aisés pour de simples individus et se font, en quelque sorte, à temps perdu. Pas un filet d’eau n’arrive dans les plaines sans avoir été vingt fois arrêté sur le flanc des montagnes ; et toutes ces terrasses qui, du sommet à la base, en font de véritables gradins, sont l’œuvre des paysans. Les ruisseaux de nos villes sont moins serrés que ceux qui arrosent leurs rizières, et ce sont eux qui les ont creusés. Que de fois, en les voyant accomplir tranquillement et comme en se jouant ces travaux qui, partout ailleurs, seraient inexécutables, ne me suis-je pas senti plein d’admiration ! Que de fois, en les voyant édifier, pierre par pierre, ces murs de soutènement qui, au point de vue de la fertilité, devaient mettre le sol des montagnes au niveau de celui des vallées, ou bien récolter du riz ou du blé dans les creux où les oiseaux de proie, jadis, plantaient leurs aires, que de fois ne me suis-je pas écrié en moi-même : Ah ! les braves gens, les braves gens ! J’étais touché de ce qu’ils faisaient. Je leur en étais reconnaissant. Je triomphais avec eux des obstacles qu’ils avaient vaincus.

Et, toutefois, le fait qui me semblait le plus merveilleux, le fait dont ces victoires n’étaient après tout que le témoignage éclatant, c’était la substitution progressive de l’action individuelle à l’action collective dans