Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/503

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Infortuné ! ô femmes d’Argos, je succombe.


LE CHŒUR

Hélas ! hélas ! sort funeste, spectacle déchirant pour toi !


IPHIS

Vit-on jamais un plus malheureux père ?


LE CHŒUR

Vieillard infortuné, tu as ta part dans la fatale destinée d’Œdipe, ainsi que ma malheureuse patrie.


IPHIS

Hélas ! que n’est-il donné aux mortels de revenir à la jeunesse, pour vieillir une seconde fois ! Dans nos maisons, si quelque chose est à reprendre, nous le corrigeons en changeant d’avis ; mais on ne peut corriger la vie. liais si nous pouvions rajeunir et vieillir deux fois, grâce à cette seconde existence, celui qui aurait commis une faute pourrait la corriger. Pour moi, jadis, en voyant des pères entourés de leurs enfants, je ressentais le désir d’en avoir, et je brûlais de devenir père ; mais si j’avais déjà passé par là, et que j’eusse éprouvé, après être devenu père, combien il est douloureux de perdre ses enfants, jamais je ne serais retombé dans le malheur que j’éprouve aujourd’hui, moi qui ai mis au monde un fils vaillant, pour me le voir ensuite cruellement arracher. Infortuné ! que faire à présent ? Irai-je dans ma maison ? j’y trouverai la solitude d’un vaste palais, et l’abandon qui attend ma vie. Irai-je dans la demeure de Capanée, séjour qui me fut cher, lorsque ma fille vivait ? Mais elle n’est plus, elle qui se plaisait à approcher de mon visage sa bouche caressante, et à tenir ma tête entre ses mains. Pour un père déjà vieux, rien n’est plus doux