Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

remets-lui ta lettre ; il la portera à Argos, et remplira tes désirs ; et moi, j’abandonne ma vie à qui la voudra. Quoi de plus lâche que se sauver soi-même, après avoir plongé son ami dans la détresse ? Mais celui-ci est mon ami, et ses jours me sont plus précieux que les miens.

Iphigénie.

Ô généreux caractère ! combien doit être noble la source où tu as puisé ce dévouement pour tes amis ! puisse te ressembler celui des miens qui survit ! Car, étrangers, moi aussi j’ai un frère ; mon seul malheur est de ne pas le voir. Mais puisque tu le veux ainsi, nous enverrons ton ami porter mon message ; et toi, tu mourras. Une grande passion pour cet ami te possède.

Oreste.

Mais qui me sacrifiera ? qui remplira ce cruel office ?

Iphigénie.

Moi : je suis prêtresse de la déesse.

Oreste.

Office indigne de toi, ô jeune fille, et bien horrible !

Iphigénie.

Mais la nécessité m’y oblige : il faut obéir.

Oreste.

Quoi ! une femme, plonger le glaive dans le sein des hommes !

Iphigénie.

Non ; mais je répandrai l’eau lustrale sur ta chevelure.

Oreste.

Et quel sera le sacrificateur, si cette question m’est permise ?

Iphigénie.

Ceux qu’on charge de ce soin sont dans ce temple.

Oreste.

Et quel tombeau me recevra après ma mort ?

Iphigénie.