Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/184

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et arrêta sou navire agile à l'embouchure du large Simoïs, où il assujettit sa poupe avec des câbles : il tire du vaisseau les flèches dont sa main habile doit percer Laomédon ; il livre aux flammes dévorantes ces murs dont Apollon fut le divin architecte, et il ravage les champs troyens : deux fois les lances meurtrières ont renversé de fond en comble les murs dardaniens (40).

C'est donc en vain, fils de Laomédon, que ta main verse le nectar dans la coupe du maître des dieux, glorieux emploi dont tu t'acquittes avec une grâce voluptueuse ; la terre qui t'a vu naître est en cendres. Les rivages de la mer retentissent de gémissements ; semblables à l'oiseau plaintif qui déplore la perte de ses petits, les unes pleurent leurs époux, les autres leurs fils, les autres leurs mères accablées de vieillesse. Ces bains si frais, ces jeux de la course qui t'étaient si chers ne sont plus ; ton visage conserve les grâces de la jeunesse et la sérénité devant le trône de Jupiter, et cependant l'empire de Priam tombe sous le fer des Grecs.

Amour, Amour, qui vins jadis te reposer sur les palais de la Dardanie, sans épargner les immortels eux-mêmes, à quel comble de gloire élevas- tu cet empire par d'augustes alliances avec les dieux ! Je ne veux plus reprocher à Jupiter un honteux oubli ; mais l'Aurore aux ailes brillantes voit et éclaire de sa lumière, chérie des mortels, la ruine de Pergame, la désolation de cette terre où elle choisit l'époux qui la rendit mère : lorsque son char doré enleva cet époux (41) dans les cieux, sa patrie conçut de hautes espérances;