Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/92

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Iphigénie.

Comment les avez-vous vus, et comment les avez-vous pris ?

Le Berger.

Sur les bords de cette mer inhospitalière.

Iphigénie.

Et qu’est-ce que des bergers ont à faire avec la mer ?

Le Berger.

Nous allions baigner nos bœufs dans ses eaux.

Iphigénie.

Reviens à ma question : Comment les avez-vous pris, et par quel moyen ? C’est ce que je veux savoir. Ils sont venus de bonne heure, et l’autel de la déesse n’a pas encore été arrosé de sang grec.

Le Berger.

Nous avions conduit nos bœufs habitués à paître dans les bois, au bras de mer qui sépare les Symplégades : là est une roche escarpée, et creusée par l’agitation des vagues, retraite pour ceux qui pêchent le coquillage dont on tire la pourpre. Là, un des bergers vit deux jeunes gens, et il se retira sur la pointe des pieds, en disant : « Ne voyez-vous pas ? il y a là des divinités. » Un de nous, homme pieux, leva les mains et les adora avec respect. « Ô fils de Leucothée déesse des mers, protecteur des navires, divin » Palémon, sois-nous propice. Ou peut-être êtes-vous les deux Dioscures, ou les fils de Nérée, qui engendra la noble troupe des cinquante Néréides. » Mais un autre, plus léger, et d’une impiété hardie, se moqua de ces prières, et dit que c’étaient des matelots naufragés, qui s’étaient cachés dans la caverne, par crainte de l’usage établi parmi nous d’immoler les étrangers. Son avis parut sensé à la plupart de nous, et l’on convint de donner la chasse à ces victimes destinées à la déesse. Cependant l’un des deux