Page:Europe, revue mensuelle, No 94, 1930-10-15.djvu/79

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Il y a de faux hommes d’action : il est l’un d’eux. Il vous dit : « J’ai constamment vécu d’une manière totale, ma vie est une suite ininterrompue d’actions, de batailles données et gagnées. Cette contrée où je suis arrivé pauvre et orgueilleux il y a plus de vingt ans porte les cicatrices de mon action. Elle témoigne pour moi. Elle me reconnaît. » Ainsi, il ment et il se ment.

Pas un seul de ces actes n’a ajouté une parcelle au pauvre qu’il fut et qu’il est demeuré. Il est inachevé, comme un chantier abandonné derrière des palissades brillantes d’annonces. Faut-il prendre pour l’action ses reflets ? N’importe quel humain est divisé entre les hommes qu’il peut être et il a laissé vaincre celui pour qui la vie consiste à faire monter et descendre les cours des cuirs abyssins, et ceux du café sur le marché de Djibouti ou de Dire Daoua, celui qui est vendeur et acheteur de signes : dans l’histoire d’un sac de café, vous ne trouverez que deux actions, faire pousser un arbre et boire une tasse. Combattre des êtres de raison comme des firmes, des syndicats, des corporations de marchands appellerez-vous cela des actions. Je veux détester et battre tel homme particulier, cette figure de traître que je vois, ce patron, cet avoué, ce chef de bataillon, cet empêcheur de faire l’amour. Sortez de la vie avec vos imitations, avec vos trompe-l’œil qui ne comptent pas dans l’établissement de la vie charnelle, de la justice, de la joie, avec vos fabrications de haine, de défaillance et de colère, vos diminutions et vos images dans l’eau.

Voilà un homme né d’un ventre de femme dont tous les gestes ont été déroulés au fond d’un ciel intelligible, du firmament des changes, des escomptes, cieux cruels au-dessus des bonnes têtes humaines : ils ne descendent vers elles que pour les corrompre et les assécher. Ces gestes formaient dans la mémoire