Page:Europe, revue mensuelle, No 95, 1930-11-15.djvu/107

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blent comporter aucune raison de choisir, quelques-uns inventent des descriptions réconfortantes de la mort. Au delà de cette ligne de partage des eaux, ils s’efforcent à deviner des réserves d’événements que l’intelligence renonce à comprendre et l’imagination à pressentir. Cédant aux illusions fatales de l’ennui ils finissent par admettre une nouvelle sorte de vie composée du jeu des parties les moins connues de l’univers et des métamorphoses dont serait capable l’intelligence enfin délivrée de ce corps qu’elle regarde comme un empêcheur de danser. Une vie où l’exercice total de l’intelligence ne serait plus borné par les exigences et l’ennui du corps qui aime la vie de la chair et de la présence. Plus loin encore il leur arrive de penser à des anges.

En six mois je passe par ces étapes mortelles. Heureusement mon corps désœuvré malgré lui mes instincts ne s’accommodent pas des calculs, de l’art pour l’art. Ils ne sont pas comblés de me savoir enfin intelligent, enfin méprisable.

Je hais cette vie. Je commence à désirer un état humain qui soit complètement le contraire de l’abstraction irrespirable. Je m’efforce de me peindre des hommes libres, voulant être réellement et non en songe, comme des chrétiens et des banquiers, tout ce qu’il est donné à l’homme d’être.

Je vois tous les jours la puérilité de la peur qui nous possédait à Paris : les actions qu’on nous proposait conformément au rang de nos familles, à la civilité puérile et honnête, aux fonctions abstraites du monde bourgeois étaient tellement absurdes et vaines, que nous pensions que toutes les actions sont éternellement stériles comme les bonnes sœurs qui boivent de la tisane pour faire couler leurs seins, que la nuit noire est l’unique décor où meurent les hommes. Nous avions dans notre sommeil des rêves qui auraient dû