Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/146

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par la pendaison, et leur conviction, en se suicidant, est qu’ils s’en retournent dans leur patrie.

Le poison des nègres, dans les cas de suicide, n’est pas le même que celui qu’ils appliquent, soit sur les animaux, soit sur les personnes.

Le poison est donc de deux sortes : il y a le poison des vengeances et le poison des afflictions.

Ce dernier n’est autre que la terre que le nègre absorbe par petites quantités, particulièrement pendant la nuit, en choisissant de préférence celle où il entre du plâtre ou du salpêtre. Aussi, dans presque toutes les maisons, on constate quelque dégradation aux murailles, dans les coins obscurs et perdus dans l’ombre, ou bien encore sous les nattes. Dans les pièces carrelées ou à sol de marbre, on trouve presque toujours un carreau déchaussé sous lequel l’épiderme de la terre est égratigné par des ongles avides.

Cette étrange absorption détériore les organes digestifs et produit ce qu’on appelle dans le pays le mal d’estomac, à la suite duquel vient inévitablement l’hydropisie, presque toujours incurable.

Le premier symptôme de la maladie se révèle chez le nègre par une grande tristesse, une nonchalance invincible de corps et d’esprit ; puis les gencives enflent et les dents désertent leur alvéole.

La mort n’est jamais loin ; elle vient même quelquefois plus promptement que le nègre ne la voulait.

Dès qu’on remarque quelque accès de spleen chez un esclave, le premier mouvement est de lui saisir les mains et d’examiner les ongles, sous lesquels on découvre presque certainement la présence de la terre. C’est là un signe infaillible. Souvent il est trop tard pour prévenir la catastrophe.

Lisa, dans son désespoir, eut donc recours à la terre.