Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/174

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Certaines familles ont dans les colonies le monopole de l’hospitalité envers les officiers de marine. C’est même une sorte de privilége qui parfois ne laisse pas que d’exciter l’envie.

En 1835, à l’époque où se passe ce récit, la qualité d’ancien capitaine de frégate donnait au marquis de Surgy des titres particuliers à ouvrir les portes de sa maison aux officiers des bâtiments en station à la Martinique. Le vieux gentilhomme avait une fortune un peu en désarroi ; il ne pouvait donc offrir ni bals, ni dîners, ni fêtes qui fussent un attrait à ses hôtes. Son salon pourtant ne désemplissait pas. À vrai dire, le vieux marquis possédait sous son toit mieux que le luxe et l’étalage d’une grande fortune, il y possédait sa fille Églantine.

Mademoiselle de Surgy avait alors dix-sept ans. Jamais créole ne s’était épanouie avec tant de grâces et de charmes de corps et d’esprit. Ce n’était pas précisément la beauté, mais un indicible rayonnement de tous ces piéges féminins auxquels les plus froides natures ne résistent pas. Depuis ses yeux d’un bleu un peu pâle, jusqu’à sa taille cambrée et souple comme un serpent ; depuis ses cheveux blonds et fins comme ces fils de la Vierge, dont le regard suit les fantastiques voyages à travers les airs, jusqu’à ses pieds longs ou plutôt petits comme un doigt de la main, tout en cette jeune fille captivait et éblouissait.

Parmi ses nombreux adorateurs, Églantine avait distingué un jeune enseigne du brick le Trasas, Léon de Vauclair. Leur mariage venait d’être résolu et fixé au retour de M. de Vauclair, qui dut partir pour la France afin d’aller y chercher le consentement de sa famille. Il s’embarqua sur une frégate et quitta, bien triste, ce rivage qu’il espérait de revoir en plein bonheur.

Le choix de mademoiselle de Surgy avait soulevé bien