Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/191

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spectacle de cette splendide baie du Fort-Royal. Devant lui, tout au fond de cette immensité, était assise, calme et paisible, la ville dont on apercevait quelques lumières, et que voilait en partie la magnifique savane réputée si grandiose, avec ses arbres centenaires ; à l’extrémité gauche de la ville apparaissaient les vieilles murailles du fort Saint-Louis, géant enfoncé dans les flots jusqu’à mi-corps. De l’autre côté, les grandes roches noires qui bordent le rivage jusqu’à la Pointe-des-Nègres, et les arêtes aiguës des récifs entre lesquelles les lames se déchiraient blanches et écumeuses ; puis en face l’Ilet-à-Ramiers, véritable nid de soldats en pleine mer ; enfin, l’étendue de l’Océan, et, au-dessus, un dôme profond tout diamanté d’étoiles, dont les rayons en se baignant dans les flots, y traçaient ces sillons illuminés que le regard suit comme une voie qui semble conduire au ciel et se perdre dans l’infini.

Le jeune officier sentit battre vivement son cœur, quand, à l’aide de sa longue vue de nuit, il aperçut au pied du fort Bourbon, la maison de M. de Surgy, qui lui parut illuminée comme pour une fête.

— Oh ! se dit-il, si mon commandant voulait me permettre de descendre à terre ce soir, comme j’irais les surprendre au milieu de leur joie !

Mais tout à coup il sembla à Vauclair que cette illumination grandissait. Bientôt un nuage épais de fumée s’éleva au-dessus de la maison, puis une lueur rougeâtre et vive se dessina plus nettement, et enfin une gerbe de feu jaillit du toit.

— Un incendie ! s’écria l’officier ; et, descendant promptement dans la chambre du commandant, il lui expliqua ce qu’il venait de voir. — C’est la maison de M. de Surgy qui est en feu, mon commandant ; permettez-moi d’armer un canot et de prendre une corvée d’hommes