Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/215

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sance, sa position d’officier français, sa bravoure, son esprit et sa distinction, exaltés à l’avance par quelques compatriotes qui avaient pu l’apprécier à Paris, étaient pour André des titres à être reçu à bras ouverts par une société, si hospitalière d’ailleurs, même à des gens moins favorisés du sort.

En arrivant à la Havane, M. de Laverdant n’avait vu accourir au-devant de lui que des visages souriants, que des cœurs sympathiques. Au moment où il mit le pied hors du canot qui l’avait apporté du navire à terre, toute la jeune aristocratie du pays lui tendit la main, se disputant l’honneur et la joie de lui offrir asile.

André était fort empêché de ne point faire de jaloux et d’envieux ; il fut tiré de peine par l’arrivée subite d’un personnage qui, après avoir percé la foule, courut tout essoufflé au-devant du jeune officier, et, d’un ton respectueux, lui dit :

— Maître, votre logement est préparé à l’hôtel de l’Amirauté.

— Et qui donc êtes-vous ? lui demanda André.

— Le mayoral de votre yngenios (sucrerie) de Fitges.

— Messieurs, dit le jeune officier à ceux qui l’entouraient, mes gens me servent trop bien pour que je leur fasse l’injure, dès le premier jour, de paraître douter de leur zèle. Merci à vous tous, et au revoir, n’est-ce pas ? En route donc ! continua-t-il en s’adressant au mayoral.

— Voici une volante qui conduira Votre Excellence à l’hôtel, ajouta le serviteur en désignant une voiture dont le calesero (postillon) salua avec respect. Mais, reprit le mayoral, comme Votre Excellence ne saurait pas faire manœuvrer ce véhicule dans les rues de la ville, je me chargerai de ce soin.

Et le mayoral, refusant obstinément de prendre place à côté de son maître, s’assit les jambes pendantes sur un