Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/216

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des brancards de la voiture ; puis il cria au postillon :

Segua (marche) !

La voiture partit au galop du cheval. André ne laissa pas que d’être surpris de la forme du véhicule dans lequel il venait de monter. Ces volantes font en effet l’étonnement de tous les étrangers ; je demanderai donc au lecteur la permission d’en donner ici une rapide esquisse.

Au premier aspect, rien de plus disgracieux qu’une volante ; une caisse de cabriolet placée au centre de deux brancards démesurément longs ; deux roues énormes dépassant de quelques pouces la capote de la voiture, et rejetées fort à l’arrière ; un cheval ou un mulet attelé à l’extrémité des brancards, et paraissant, tout d’abord, traîner autre chose que ce singulier équipage. Entre la caisse de la voiture et le cheval, il existe bien un espace de cinq à six pieds. Ces voitures sont d’ailleurs fort bien suspendues et très-moelleuses. Ce qu’elles ont de remarquable, c’est le luxe de leurs ornements : il suffira de dire qu’une volante de bonne maison coûte souvent 4,000 piastres (20,000 francs).

Le marchepied de la voiture est ordinairement en argent massif, en or ou en vermeil ; les ressorts de la capote sont de même métal, ainsi que l’enveloppe extérieure des roues. Et partout où il est possible, sur la caisse, sur le cuir, sur les harnais, sur les roues, sur les brancards, d’incruster de l’or, de l’argent ou du vermeil, on y en sème à profusion. Quant au cheval, il est littéralement chamarré, et porte au poitrail un écusson de métal précieux de la largeur de la main, et sur lequel sont gravées les armoiries de la famille.

Ces folles prodigalités s’expliquent par la place d’honneur que les Havanaises donnent à la volante dans leur salon, où on les remise entre deux étagères surchargées de chinoiseries.